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Généalogie de l'idée de laïcité.

Dernière mise à jour : 17 nov. 2023

Le 9 décembre 1905 est promulguée la loi de séparation des Églises et de l'État. Si en effet, cet évènement marque bien la première application française du concept de laïcité ; cette idée d’une séparation entre le pouvoir politique et la société religieuse est cependant très antérieure à 1905.


Dieu et César : le cas du christianisme primitif.


Le premier laïc serait Jésus-Christ avec sa célèbre formule « Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à dieu » Marc 12 : 17. Cependant, ce principe peut être remis en question ; que faire si les velléités politiques sont discordantes avec les principes religieux ? Faut-il obéir à des règles humaines pouvant, parfois, entraver la volonté de Dieu, ou placer cette dernière au-dessus de tout ? Le théologien carthaginois Tertullien , éminente figure de la patristique, va répondre à ces questions dans son ouvrage De la Couronne du Soldat.


Au IIè siècle, en pleine persécution religieuse par l’empire romain, il va interroger la compatibilité entre le fait de porter une couronne de laurier - symbole de la gloire de Rome - avec le fait d’être chrétien. Il écrit « Mais là encore, tu es le soldat et l'esclave d'un autre; et si tu l'es de deux à la fois, de Dieu et de César, tu ne peux l'être de César, puisque tu te dois à Dieu » ;ce texte éminemment séparatiste exprime le fait que la laïcité n’est alors pas possible car, comme le confirmera Paul de Tarse, « toute autorité vient de Dieu, et celles qui existent ont été établies par Dieu » (Romain 13,1) ; dieu devient César. Suite à la chute de l’Empire romain d’occident, des Etats chrétiens vont progressivement se former et adopter un bicéphalisme théologico-politique reposant sur les figures des rois et des papes ; ces derniers obéissant à la volonté divine.


Le Moyen-âge et la Renaissance : redéfinir la place de l’Etat, de Dieu, et du Pape.

Le 24 juin 1324 est publié à Bale Defensor Pacis, l’un des textes fondateurs de la laïcité. Son auteur, le théologien Marsile de Padoue, souhaite rompre avec la théocratie alors en application dans toute l’Europe. Pour lui, l’Etat doit être immanent et fixer seul les orientations politiques, englobant par la même occasion l’ensemble des domaines de la société, dont l’Eglise. Cette dernière est dépourvue de pouvoir politique et son organisation est transformée sur le modèle ascétique du Christ, réduisant par conséquent la richesse ainsi que l’influence politique de la papauté.


Si cet ouvrage est rédigé comme une instruction au roi Louis III de Bavière, il n’en restera pas moins qu’une conception de la laïcité ; son application étant rendue difficile par la censure qu’il subira en cette fin de Moyen-Age. Néanmoins l’esprit du texte Defensor Pacis réémerge à la Renaissance avec des penseurs comme Erasme et François de la Mothe le Voyer. Ces derniers vont revenir aux messages des évangiles, s’éloignant ainsi des grandes figures de la patristique comme Tertullien. Dès lors, Erasme va sévèrement critiquer l’institution ecclésiastique, ce qui inspirera le théologien Martin Luther à proclamer la réforme protestante en 1519 ; elle va séparer l’Europe en deux sur la question du pouvoir politique de la papauté.




Concevoir autrement Dieu

Au XVIIème siècle, après un siècle précèdent marqué par les guerres de religion, un jeune fabriquant de lunettes astronomiques excommunié par la communauté juive d’Amsterdam va marquer l’histoire des idées. Répondant au nom de Baruch de Spinoza ce dernier va publier en 1670 son Traité théologico-politique dont la rapide censure qu’il subira n’arrêtera pas l’influence. Le philosophe à travers cet ouvrage va instaurer, par sa célèbre formule « Deus sive Natura » (Dieu ou nature), le principe du panthéisme. Dans cette conception, Dieu est impersonnelle et est équivalent au monde, à la nature. De là, aucun dogme ni aucune volonté divine n’est possible. Spinoza donne comme titre à son chapitre XIX, « On établit que le droit de régler les choses sacrées appartient au souverain, et que le culte extérieur de la religion doit s’accorder avec la paix de l’Etat ». Plus tard, le philosophe allemand Ludwig Feuerbach dira de Spinoza : « Il fut le moise des libres penseurs ».


En France, le XVIIIe siècle ne suit pas un panthéisme spinoziste mais développe un déisme. Là où la société était théiste dans son rapport à Dieu, c’est-à-dire affirmer que Dieu crée et qu’il a une volonté sur le monde, le déisme se limite à l’aspect créateur de Dieu. Partant d’un constat simple, le philosophe français Voltaire ,que l’on considère souvent à tort comme un athée, affirme « il n’y a pas d’horloge sans horloger ». Le fanatisme religieux, expression de Voltaire, est cependant toujours présent, à l’image de l’affaire Calas, cet innocent condamné à être roué en place publique du seul fait qu’il était protestant. C’est pour cela que les philosophes des lumières développent le déisme, pour limiter dieu à un rôle de créateur sans ingérence dans la vie des Hommes, qui sera mise en œuvre lors de la Révolution Française qui, contrairement à une croyance populaire, n’a rien d’athée. Même les révolutionnaires les plus radicaux comme Saint Just ou Robespierre croient en Dieu mais de manière déiste. Aussi, le Contrat Social de Jean Jacques Rousseau rédigé en 1762 et qui inspirera les décennies à venir, vient limiter le pouvoir de l’Eglise dès lors que la volonté générale émane car elle ne lui en accorde aucun. Rousseau explique que le souverain, ici le peuple, n’existe qu’en relation avec la volonté générale, qui n’est pas la somme des intérêts particuliers, car sinon la société serait divisée de par l’égoïsme de l’Homme, mais plutôt, l’addition des intérêts particuliers du moment que ces derniers se concertent sur l’intérêt général ; l’intérêt particulier devenant l’intérêt général.


Finalement de la fin du Moyen Age au XVIIIème siècle, l’idée de laïcité a pu exister en conceptualisant de manière différente Dieu selon les époques. Le divin est donc devenu compatible avec les sociétés humaines car il ne possède pas de pouvoirs politiques et par conséquent, de volontés politiques. La théocratie s’est effondrée en 3 actes ; le premier fut celui de retirer le grand pouvoir des papes, puis de repenser Dieu, pour enfin, désacraliser le roi qui était l’équivalent de Dieu sur Terre. Par conséquent, le 21 janvier 1793 à 10h22, la tête guillotinée de Louis XVI tombant dans le panier, provoqua la fin de la théocratie.



Athéisme et laïcité


A partir du XIXème siècle, la laïcité va être liée à l’athéisme. Ce dernier nait véritablement en 1729 avec le testament d’un Abbé, un certain Jean Meslier, qui écrit, pour lui, les raisons de l’inexistence de Dieu, du mensonge de la religion…L’athéisme va porter les idées laïques notamment avec le travail des matérialistes allemands comme évidemment, Ludwig Feuerbach et Karl Marx ; ces derniers ayant des mots forts, le premier écrit dans l’Essence du Christianisme (1841) : « Le grand tournant de l'histoire sera le moment où l'homme prendra conscience que le seul dieu de l'homme est l'homme lui-même », Marx dira quant à lui, « La religion est l'impuissance de l'esprit humain à faire face à des événements qu'il ne peut pas comprendre ». La question n'était plus de séparer César de Dieu, mais de supprimer Dieu de la vie des Hommes ; en pratiquant un déicide civilisationnel. De là, les socialistes français de 1905 vont faire face à deux visions, l’une radicale et l’autre plus modéré : faut-il supprimer toutes les traces de la religion en France ou accepter que la France ait un héritage chrétien ? La seconde option est retenue par les députés qui le 9 décembre 1905 votent pour la loi de séparation des églises et de l’Etat. Cette dernière affirme, pour résumer, que la République assure la liberté de conscience et la liberté des cultes tant que l’ordre public n’est pas dérangé.



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