top of page

Hong Sang-Soo : Un autre cinéma sud-coréen

Le cinéma d’Hong Sang-Soo tient en une expression mal traduite de l’anglais (elle n’est pas de moi naturellement) : le réalisme domestique. Le « domestic realism » fait originellement référence à un genre littéraire du XIXème siècle qui racontait très banalement le quotidien des femmes, qu’elles soient servantes, mères au foyer ou femmes de riches banquiers. Ici, notre réalisateur coréen filme des personnages, dans des rues et des cafés, en plan séquence, ceux-ci tiennent des discussions d’une normalité déconcertante… parfois ils font l’amour, d’autres ils s’engueulent… Rien d’extraordinaire à première vue, on est fort loin des films Avengers, dans lesquels les forces incommensurables de l’univers cherchent à détruire New-York.

Pourtant, le film dont on nous allons parler est fabuleux. Il est le portrait de deux personnages : celui d’un réalisateur, pas peu fier de ce qu’il est - mais pas assez pour que ça se voit -, et d’une jeune femme, bien plus fan du « statut » de son interlocuteur que de ses films. Une fois le décor planté, très vite, le cinéma dans sa forme la plus pure, son incarnation la plus réalisto-naturaliste déroule. Un jour avec un jour sans montre que l’amour – attention, celui avec un grand A – ne tient qu’à une phrase ou un mot, à un verre… et c’est très exactement ce qui en fait sa beauté.


ree

Dans ce film comme dans d’autre du réalisateur, on suit une histoire, deux fois. Un réalisateur, admirablement interprété par Jeong Jae-yeong, a une journée en province à tuer à cause d’une erreur d’organisation. Il rencontre une jeune femme, plus jeune que lui en tout cas. Il l’aborde, maladroitement d’abord, elle s’en agace. Puis elle se souvient du visage de son interlocuteur. Bien aidée par lui, elle comprend que le gros lourdaud qui l’abordait n’en n’était pas complètement un, il s’agissait d’un cinéaste assez connu dans le pays, en tout cas assez populaire pour qu’on le reconnaisse sans avoir vu une de ses œuvres. Dans le premier récit, à partir de ce moment on suit deux personnages somme toute classiques, qui se draguent, se toisent. Ils se complimentent… il la complimente... elle aussi, ça lui arrive… Mais c’est tout, pas aidés par leur entourage matériel et amical, ils se quittent le soir bredouilles l’un de l’autre. Dans le second, aidé par l’alcool et par un courage soudain, le cinéaste est direct, presque sévère dans ses jugements, il est difficile à suivre… mais cela fonctionne, ils se seront rapprochés, ils se seront plu.


ree

Dans les deux cas il est passionnant de voir la manière dont la jeune femme réagit à une phrase, puis à une autre. Le propre du cinéma d’Hong Sang-Soo est l’imprédictibilité des réactions de ses personnages. Chaque sourire et sourcils froncés sont une fin en soi, un aboutissement. En plan séquence, sans montage ou presque, le microcosme créé autour des deux personnages et les quelques décors qui les entourent montrent que le but de ces œuvres, de cette approche artistique est un sourire ou l’absence de celui-ci. On ne vise pas une fin spectaculaire, en étouffant le spectateur par des millions d’euro d’effets spéciaux, mais simplement une émotion, un frisson, retransmis génialement par les acteurs et HSS. Tout est dans la subtilité, et c’est touchant. Aussi, il est amusant de suivre l’évolution de leur relation au cours de ces journées. Une tentative de compliment échoue, une autre fonctionne, une blague pourtant pas très drôle fait mouche, les personnages se rapprochent puis s’éloignent, de picomètres certes mais on le sent.

En bref il y a infiniment plus de raisons de regarder ce film qu’il n’y en a de l’ignorer. Même si un tel synopsis ne paie pas de mine et que tout ne nous tombe pas tout cuit dans la bouche en regardant cette œuvre pour la première fois, il est impossible d’être insensible à ces personnages aussi banals qu’ils sont bien écrits.

Le film est riche, vraiment profond, avec peu, presque rien. Rien d’autre que l’émotion, c’est-à-dire l’art, mis à nu.


ree

 
 
 

Commentaires


Nous suivre !

  • Instagram
  • LinkedIn
bottom of page